Le Parti Pris

L’affaire Valeurs Actuelles-Obono en trois questions

Si l’on fait abstraction des extrêmes (ou des idiots utiles qui ne voient pas de racisme dans les prises de position d’Obono et des indigénistes), les points de vue exprimés dans l’affaire Valeurs Actuelles-Obono se répartissent en deux camps : il y a d’un côté ceux qui considèrent qu’il ne faut pas ajouter le racisme au racisme, ou combattre le racisme par le racisme, et qui ont choisi de dénoncer Valeurs Actuelles, donc de soutenir Danielle Obono; de l’autre côté, on trouve ceux qui ne voient pas où est le racisme dans la publication de VA, ni par conséquent pourquoi ils devraient soutenir Obono, c’est-à-dire soutenir une authentique militante raciste. Je m’inscrits sans réserve dans ce second camp.

Je précise tout de même qu’une telle prise de position n’a pas valeur de soutien à la ligne politique de Valeurs Actuelles. De même qu’on peut défendre Charlie sans réserve contre l’accusation de racisme sans apprécier son humour ou ses partis-pris idéologiques, il est possible de défendre VA sans réserve contre l’accusation de racisme et les atteintes à la liberté d’expression qui en découlent sans adhérer à son orientation politique ni même valider le propos de la publication incriminée.

 Il faut en effet distinguer en trois questions : 

 

1) La publication de VA est-elle raciste ?

 Réponse :  non, pour les raisons avancées par l’analyse d’Isabelle Barbéris, juste, précise et à mon sens définitive. Comme le souligne Isabelle Barbéris, on peut même à bon droit considérer que le racisme se situe du côté de ceux qui, dans cette affaire, portent la fausse accusation de racisme.

 

2) Le point de vue sur la traite négrière exprimé dans la satire de VA est-il juste et objectif ?

 Réponse :  non, ce point de vue est partiel et partial. On peut le défendre, en arguant qu’il met en évidence des aspects généralement occultés de la mémoire de l’esclavage (l’importance de la traite négrière transsaharienne, l’ancrage de l’esclavage dans les moeurs de l’Afrique subsaharienne) ou bien le critiquer, en considérant qu’il conduit à une forme de relativisme. Si l’on retient de ce texte la relativisation de la faute des Européens dans la traite transaltlantique, on peut même à bon droit le caractériser comme « identitaire ». En tout état de cause, la critique devrait  se fonder sur une lecture qui rapporte le texte à intention réelle, non à une intention raciste purement fictive.

 

3) La publication de VA est-elle efficace d’un point de vue politique pour lutter contre l’indigénisme et la vision raciale de la société ?

 Réponse :  non évidemment, puisque VA a offert sur un plateau cette image d’une femme politique noire réduite à son statut de descendante d’esclave qui épouse le stéréotype essentialiste promu par la propagande indigéniste. Dans ses rêves les plus fous Obono n’avait sans doute pas imaginé que la presse de droite lui donne une telle occasion de faire prospérer sa cause.
Mais que dire de la polémique qui a suivi ? Des proportions délirantes qu’a pris cette affaire, laquelle n’aurait logiquement due déclencher qu’une éphémère vaguelette d’indignations dans les milieux gauchistes ? A l’évidence, ceux qui consacrent le sens que les indigénistes et l’extrême-gauche donnent à tort de l’image d' »Obono enchaînée » et du roman de VA, en qualifiant ceux-ci de « racistes », contribuent à renforcer la vision raciale de la société.
Qui plus est, il me paraît également évident que les militants républicains en pointe sur le soutien à Charlie qui ont choisi de soutenir Obono se tirent une balle dans le pied, se mettant en contradiction avec eux-mêmes sur la question de la liberté d’expression. Pire encore : pour tenter de surmonter cette contradiction qu’ils ne peuvent pas ne pas voir, il leur faut nécessairement faire de la surenchère et justifier le « c’est pas pareil » en affirmant que la publication de VA tombe sous le coup de la loi et relève de l’incitation à la haine raciale. S’il ne vont pas jusque là, ils se placent en situation d’incohérence logique. S’ils vont jusque là, ils prennent un double risque : soit ils seront contredits par la justice (il faut l’espérer), soit ils auront contribué à renforcer un régime d’intolérance qui un jour ou l’autre se retournera contre eux, contre tous ceux qui aujourd’hui récusent l’amalgame entre racisme et islamophobie et qui subiront peut-être demain à leur tour les foudres d’une justice médiatique toujours plus forte à mesure qu’elle se fait plus simpliste.

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